“J’aime aller voir les gens et chercher ce que l’on peut faire ensemble”

Mickaël Laclé, co-président du Cré-sol

Comment définir l’économie solidaire ? Nous sommes allées à la rencontre des membres du Cré-sol, pour donner la parole à ceux qui la font. Dans le troisième épisode de cette série, nous nous sommes rendues chez Mickaël Laclé, co-président de l’association, à Tours. 

J’ai décidé d’être optimiste toute ma vie !” Friand de mantras comme celui-ci, il nous invite à nous installer dehors. Au fond de la petite cour de l’immeuble, devant sa maisonnette, du mobilier de jardin disparate côtoie une table de ping pong, une piscine dégonflée et les vélos des habitants. 

L’informatique, premier rêve instinctif

Il s’attaque alors à présenter son parcours atypique, mené par ses rêves. “Je suis né à Vierzon en 1979, j’ai vécu mon enfance, mon lycée là-bas, et même mon premier boulot.” Après un DUT informatique et gestion à Orléans, il revient travailler à Vierzon, au centre hospitalier, en tant qu’analyste programmeur. Celui qui, enfant, se rêvait marchand de cacahuètes ou de glaces, a choisi l’informatique par instinct. “Je n’avais pas d’ordinateur chez moi, mais je voyais que cela ouvrait des possibilités infinies ! On pouvait faire plein de choses avec.” A l’hôpital, il découvre ce qu’il appelle “l’informatique sociale” : il est chargé de créer un site web pour la commande de radios à distance, permettant au personnel de ne plus se déplacer entre les services. Deux ans plus tard, il arrive à Tours, où il restera, pour un essai dans une société de services et d’ingénierie en informatique, où il est chargé de créer des programmes pour constituer des jeux concours. “Je me suis fait virer à la fin de ma période d’essai, alors qu’on m’avait promis, jusqu’au dernier jour, un CDI. La violence de ce départ, à 22 ans, a entraîné une remise en question sur le monde du travail, et sa dimension parfois inhumaine.” 

J’ai cherché un boulot en informatique, avec ce côté humain plus accentué, mais je n’ai pas trouvé, donc je me suis tourné vers la musique.” 

Mickaël Laclé, co-président du Cré-sol.

Depuis tout petit, une autre passion anime Mickaël. Poussé par ses deux parents musiciens, il débute le trombone à coulisse à dix ans. “Quand on a été au forum où chacun présentait son instrument, j’ai eu envie de revoir le professeur de trombone à coulisse.” L’instrument lui convient, toujours inclus dans une formation collective. Il joue dans des fanfares, des orchestres et des groupes de musique. A l’époque de sa remise en question professionnelle, le choix s’impose de lui-même. “J’ai cherché un boulot en informatique, avec ce côté humain plus accentué, mais je n’ai pas trouvé, donc je me suis tourné vers la musique. Je me suis fait un emploi du temps musical, où je jouais chaque jour avec un groupe différent.” 

Pendant deux ans, il fait de la musique bénévolement, puis devient intermittent du spectacle. Il intègre ainsi Les Caméléons (un groupe de ska-rock). De 2003 à 2007, il enchaîne avec eux plus de 200 concerts, en France, en Allemagne, en Tchéquie, en Suisse, en Belgique… Des divergences d’avis avec le groupe, qui le presse à venir s’installer à Nantes, alors qu’il souhaite rester à Tours, l’entraînent à s’en séparer en 2008. Il s’investit dans d’autres mouvements musicaux :  il manage le groupe Rytmétix jusqu’en 2012, : “L’afrobeat me plaisait, et il y a un vrai sens politique, qui m’allait mieux.

Rapidement, la question des “cachets alimentaires” (les intermittents du spectacle étant parfois obligés d’accepter des cachets pour conserver leur statut), se pose à lui. “L’objectif n’est plus de faire de la musique, mais d’avoir le statut d’intermittent. Ça interroge sur le modèle économique dans lequel on est obligés d’être.” Il lui est inconcevable de chercher un revenu avant tout. Le moment de changer de milieu est venu : “Mais je ne savais plus quoi faire, car j’avais déjà réalisé mes rêves…” 

Les associations, ou le moyen de construire un avenir collectif durable

Bénévole dans une association de jeux, L’Âne Spirit, il veut pousser plus loin l’expérience. Dès 2012, trois associations marquent son engagement : le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB), les Colibris, son fil rouge, et Alternatiba, celle où il s’est le plus engagé. Pour lui, c’est la révélation : “Après les difficultés rencontrées avec les membres des groupes de musique, je pouvais enfin parler de projets pour un avenir collectif durable.” 

Pour réussir à vivre avec le RSA, il réduit ses dépenses. Il devient minimaliste : arrête de fumer, de boire, n’a plus de voiture. “Je n’ai plus eu de carte bancaire pendant 3 ou 4 ans. J’arrivais même à mettre 50€ de côté chaque mois !” Il se consacre à son activité bénévole à plein temps, et rencontre les membres du Cré-sol, Alice Oeschner et Sandrine Ducelliez, aux Colibris. “A l’époque je n’étais pas actif, juste membre. J’adore les associations, j’ai adhéré à une cinquantaine.” C’est au Cré-sol, dont il assure la coprésidence depuis fin 2020, qu’il découvre l’économie solidaire. “La solidarité est un état d’esprit. Au Cré-sol, nous mettons en place des ateliers, des formations, pour mettre en œuvre cette solidarité, pour tous, sans exception.”

Il quitte Alternatiba après la COP21, en 2015. “La priorité était le projet, alors que pour moi, c’était l’humain : on faisait la guerre contre le réchauffement climatique, c’était trop militaire. ” Il se retrouve mieux dans le projet des Colibris, et du MFRB.

L’émergence de son activité de facilitation relationnelle

En 2016, il met de côté toute activité pour accompagner sa mère en fin de vie, dans l’hôpital où il a décroché son premier boulot. “J’ai retrouvé mes amis, mes collègues… C’était familial.” Suite à cette épreuve, il se lance dans le développement de son activité de facilitateur relationnel : “Les gens avec qui je suis, c’est tout l’intérêt pour moi. J’aime rencontrer les gens et chercher ce que l’on peut construire ensemble, définir ce qu’il y a de plus pertinent.” Il ralentit ainsi son action dans les associations, ne participe plus qu’aux AG du Cré-sol. En 2019, il est élu membre du conseil d’administration par une élection sans candidat. Il reste observateur, pour en comprendre le fonctionnement, et découvrir l’économie solidaire : “tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin, et c’est vraiment une philosophie qu’on retrouve dans l’économie solidaire ». En septembre, toujours par élection sans candidat, il est élu co-président de l’association, ce qui est, depuis, son activité à plein temps. « Ça ne me prends pas tout mon temps non plus, je dors 6h par nuit donc j’ai 17h pour m’occuper. En plus je n’ai pas de vie de famille donc je fais plein de choses, je peux développer des relations avec tous types de personnes !”

Et pour aller plus loin : l’économie solidaire selon Mickaël Laclé, en vidéo

Texte, photo et vidéo : Lisa Darrault

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Mickael Laclé
Administrateur
Mickael Laclé
2 années il y a

Très chouette interview que je découvre en même temps que tout le monde (pas de privilège même en temps que co-président au Cré-sol 🙂 ), merci Lisa pour ce bon moment et sa belle écoute.

Anecdote, cette vidéo restera le dernier souvenir de l’appartement des Prébendes dans lequel j’ai habité 18 ans et que je viens tout juste de quitter pour le quartier Paul Bert.

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