Circuits-courts et numérique : vers des AMAPs connectées ?

Ces dernières années, le numérique est souvent présenté comme une solution pour développer la consommation et la distribution en circuits-courts. Les outils et services dédiés à cet usage fourmillent sur la toile, mais sont-ils en mesure de faire évoluer nos pratiques ? Bienvenue à la ferme , drive-fermier.fr, cagette.net , amapj, monpotager.com . . . A travers cet article nous vous proposons un rapide tour d’horizon des voies ouvertes par le numérique à travers trois exemples.

Les Amaps en voie de numérisation

Vous ne connaissez pas les Amaps ? Nous avions écrit un article sur le sujet : « AMAPs – un modèle de circuit courts riche de sens » .

Si le réseau des amaps (1) n’a pas encore développé d’outil numérique commun facilitant la gestion des amaps au quotidien, les expérimentations et les outils se multiplient localement. Comme nous pouvons nous y attendre, les Amaps utilisent en priorité des logiciels libres (2), favorisant ainsi des productions numériques durables et collectives !

Nous pouvons principalement citer deux outils largement testés par des collectifs locaux : cagette.org et amapj.org, qui permettent de gérer des adhérents, des éléments de facturation ainsi que de commander depuis chez soi des produits à ajouter à son panier auprès de différents producteurs en partenariat avec l’Amap concernée.

Malgré le développement sous du code libre qui devrait permettre aux développeurs de contribuer à un projet commun, nous constatons tout de même que plusieurs logiciels cheminent en parallèle sans forcément se rejoindre. En revanche, cette question de la mutualisation et de la gestion d’outils en commun commence à être abordées collectivement au sein du réseau Miramap et la création d’un outil commun dans les années à venir n’est peut-être pas à exclure (3) !

Quand « la Ruche qui dit Oui ! » ubérise nos paniers

« La Ruche qui dit oui ! » est l’un des services d’achat groupé en ligne qui a connu le plus de succès en France. L’entreprise propose à des groupements d’achat locaux (« ruches ») de bénéficier d’un panel d’outils en ligne afin d’organiser leur distribution et les commandes. Pour l’utilisation du service, une commission est prélevée sur chaque achat, libre ensuite à chaque responsable de Ruche de choisir s’il souhaite demander une commission supplémentaire ou non pour s’assurer un complément de revenu. Ainsi, les groupements d’achats peuvent être des projets collectifs (sous forme associative) ou individuels (via un statut d’entreprise individuelle) et distribuer des produit locaux et/ou bio à sa convenance.

La Ruche tire ici parti du numérique pour favoriser le développement des circuits courts auprès de citoyens qui souhaitent retrouver la facilité d’un « Drive » classique en bénéficiant de produits locaux et d’un lien plus fort avec les producteurs. En revanche, elle ne remet pas en cause les modèles classiques des grosses structures de l’économie collaborative : un code source fermé, des modes de fonctionnements définis par la structure mère, une création de la valeur par des utilisateurs qui maillent le territoire national et une commission pour financer le maintien du service.

Au cœur de nombreuses polémiques, La Ruche a été particulièrement attaquée par certaines Amaps (4), qui l’ont accusé de communication mensongère et de précarisation des producteurs/gestionnaires de ruches locales. Depuis, il faut reconnaître que l’entreprise à bien martelé sa différence et il n’est plus possible de se tromper : ni Amap militante, ni Drive de grande distribution, La Ruche qui dit Oui est un projet d’entrepreneuriat social ayant proposé un modèle qui séduit… que cela plaise ou non !

Si l’on souhaite changer de modèle, expérimenter de nouveaux modes de gouvernance ou soutenir des outils gérés par leurs utilisateurs, la Ruche n’est définitivement pas le bon choix. On peut toutefois lui reconnaître de correspondre à certains usages et de permettre le passage à l’acte de consommateur qui ne se nourriraient peut-être pas en circuit court sans ces solutions clef en main.

OpenFoodNetwork, un outil communautaire sur mesure

Si chaque service s’apparentant à des commandes à distance avait développé des solutions sous forme de logiciel libre, nous disposerions aujourd’hui d’un outil adaptable à chaque usage. Cet outil pourrait autant servir à une personne souhaitant développer un groupement d’achat et en tirer un complément de revenu (modèle de La Ruche), qu’à une start-up lançant un service innovant, qu’à des Amaps ne travaillant qu’avec des producteurs bios et locaux.

Cet outil commun appropriable par tous pourrait rester une utopie… Sauf que certains l’ont fait ! S’il nous vient d’Australie, l’outil développé par la communauté OpenFoodNetwork n’en est pas moins adapté à nos usages européens. Une communauté francophone s’est d’ailleurs mise en place et l’outil est actuellement en expérimentation comme à Lille avec l’épicerie « Au panier rusé ».

La force de cet outil, c’est de s’adapter au fonctionnement de chacun : différents modes de paiements, sous forme de paniers livrés ou de point de dépôt, gestion des stocks des producteurs au besoin, ajout de ses producteurs,… Il est autant possible d’utiliser des fonctionnalités très poussées que de n’utiliser le service que pour gérer un groupe de consommateur, un producteur et émettre des factures.

La gouvernance de ce service est collective, que ce soit pour en organiser la communication, en définir les évolutions ou en définir les modalités de rétribution de la plateforme (prix-libre, commission, abonnement,…).

Le code source du logiciel étant libre, si les conditions d’utilisation du service présentes sur le site ne vous conviennent pas, il est toujours possible de l’installer sur votre propre serveur. Les données étant ouvertes, chacun peut disposer de certaines informations saisies par les autres, en particulier la liste des producteurs et, le cas échéant, les stocks disponibles chez chacun de ces producteurs.

OpenFoodNetwork est donc un outil utilisable par des consommateurs très différents, de l’Amap ne passant que par des producteurs bio au groupement d’achat simplement locavore. Le comportement des uns pouvant influencer celui des autres, et chacun pouvant faire évoluer son utilisation de l’outil au gré des évolutions de son mode de consommation.

Si vous souhaitez en savoir plus sur OpenFoodNetwork, consultez l’article que nous avions déjà publié ou encore celui paru sur without model !

Vue de l’interface de commande OpenFoodNetwork

Alors le numérique : une solution pour les circuits-courts ?

Le numérique reste un outil, et nous voyons à travers ces exemples que les services qu’il apportent ne font que traduire les modes de fonctionnement des collectifs qui les utilisent. Il ne va pas provoquer les changements, mais peut faciliter le passage à l’acte de volontés existantes. Les outils induisent toutefois par moment des modes de fonctionnement pré-établis s’ils sont trop fermés.

Sous couvert de rechercher une fonctionnalité, on peut en venir à devoir adopter des modes de fonctionnement imposés par l’outil choisi (moyen de paiement, commission, modalité de prise de décision…). En tout cas bon signe pour l’heure : il existe bel et bien des outils fonctionnels… et pour tous les goûts !

Alors un conseil avant de lancer votre navigateur : définissez d’abord vos envies, puis choisissez le vôtre !

1 – MIRAMAP     – Mouvement inter-régional des AMAPs

2 – Mais     qu’est-ce qu’un logiciel libre ?– article sur Framasoft.org

3 – Article     « Regards croisés sur l’utilisation des logiciels libres pour les AMAP »

4 – Article « Attention…pourquoi     les amap disent NON à la Ruche qui dit oui »

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Lisa Fayet
Lisa Fayet
3 années il y a

Un article très intéressant sur un nouvelle forme de consommation qui, espérons-le, deviendra un « réflexe » à l’avenir !

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